Il m’apparaît
comme instructif, pour les générations qui n’ont pas connu, ou mal connu, ces
événements tragiques, de faire souvenir de quelle manière ont été accueillis
ces Français lors de leur arrivée.
26 juillet 1962, le maire de Marseille, le
socialiste Gaston Defferre, accorde une interview au quotidien Paris-Presse l’Intransigeant. Sujet :
l’arrivée massive des rapatriés d’Algérie.
53 ans plus tard, il m’apparaît comme instructif,
pour les générations qui n’ont pas connu, ou mal connu, ces événements
tragiques, de faire souvenir de quelle manière ont été accueillis ces Français
lors de leur arrivée, contre leur gré et emportés par le vent de l’Histoire,
dans leur pays, leur patrie, la France.
Le « bafouilleur
marseillais », Gaston Defferre,
ne se prive guère de donner son avis : « Ils fuient. Tant pis !
En tout cas, je
ne les recevrai pas ici. D’ailleurs, nous n’avons pas de place. Rien n’est
prêt. Qu’ils aillent se faire pendre où ils voudront !
En aucun cas et aucun
prix je ne veux des pieds-noirs à Marseille. »
À la question « Voyez-vous une solution aux problèmes des
rapatriés à Marseille ? »,
il répond : « Oui,
qu’ils quittent Marseille en vitesse ; qu’ils essaient de se réadapter
ailleurs et tout ira pour le mieux. »
Mais Gaston Defferre n’est pas un cas isolé.
Un sondage IFOP début juillet indique que 62 %
des métropolitains refusent toute idée de sacrifice à l’égard des Français
d’Algérie.
Voici d’ailleurs un rapport découvert lors de
l’ouverture des archives :
Les Français d’Algérie qui débarquent en métropole
font l’objet d’une froide indifférence, ou même d’appréhensions. On ne les
connaît pas. On ne sait d’où ils viennent ni si ils sont “vraiment” français.
Jugés premiers responsables du conflit qui vient de se terminer et qui a coûté
la vie de trop nombreux soldats métropolitains, ils ne semblent pas “mériter”
que l’on porte sur eux le regard compatissant que beaucoup espèrent.
Conseil des ministres du 18 juillet 62, Louis Joxe
s’exclame : « Les
pieds-noirs vont inoculer le fascisme en France. Dans beaucoup de cas, il n’est
pas souhaitable qu’ils retournent en Algérie ni qu’ils s’installent en France.
Il vaudrait mieux qu’ils aillent en Argentine, au Brésil ou en
Australie. »
Pompidou, Premier ministre, appuie cette
idée : « Pourquoi ne
pas demander aux Affaires étrangères de proposer des immigrants aux pays
d’Amérique du Sud ou à l’Australie ? Ils représenteraient la France et la
culture française. »
De Gaulle : « Mais non ! Plutôt en
Nouvelle-Calédonie ! Ou bien en Guyane, qui est sous peuplée et où on
demande des défricheurs et des pionniers ! »
Le 22 juillet 1962, Gaston Defferre poursuit ses
anathèmes sur Paris-Presse :
« Français
d’Algérie, allez vous faire réadapter ailleurs. Il faut les pendre, les
fusiller, les rejeter à la mer… Jamais je ne les recevrai dans ma cité. »
Dans le centre de Marseille, une inscription sur un
grand panneau : « Les
pieds-noirs à la mer. »
À l’aéroport d’Orly, la direction interdit aux
pieds-noirs d’emprunter l’escalier mécanique parce qu’elle estime que leurs
valises et leurs ballots volumineux sont une gêne pour les autres voyageurs.
Pas l’once d’une compassion parmi les responsables
politiques français: « L’intérêt
de la France a cessé de se confondre avec celui des pieds-noirs »,
dit froidement de Gaulle, le 4 mai 1962, en Conseil des ministres.
Un autre jour, à Peyrefitte qui lui expose « le spectacle de ces rapatriés hagards, de
ces enfants dont les yeux reflètent encore l’épouvante des violences auxquelles
ils ont assisté, de ces vieilles personnes qui ont perdu leurs repères, de ces
harkis agglomérés sous des tentes, qui restent hébétés… »,
le Général répond sèchement : « N’essayez pas de m’apitoyer ! »
Parlant d’Edmond Jouhaud, l’un des généraux
putschistes du 13 mai 1958 : « Ce n’est pas un Français, comme vous et moi,
c’est un pied-noir. »
Voilà, tout est dit.
Ceux qui ne savaient pas le
savent à présent.
Quant à ceux qui n’ont jamais voulu savoir, qu’ils
croupissent dans leur ignorance.
Source : Bld Voltaire ( Manuel Gomez )
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire