Mme Taubira, s’asseyant une fois de plus sur ses principes,
n’a pas démissionnée
Jeudi matin. Au premier temps de la valse,
Christiane Taubira, rentrant d’un séjour en Guyane, rentre aussi dans le rang.
Les vacances porteraient-elles conseil ? Oubliées, les déclarations
fracassantes faites fin décembre, lorsque le ministre de la Justice confiait à Radio
Alger tout à la fois son attachement au droit du sol, son refus de la
déchéance de nationalité pour les binationaux et sa certitude que le président
de la République y avait renoncé.
Madame le garde des Sceaux mange son chapeau
et les couleuvres qui l’agrémentent. Elle affiche sa loyauté au gouvernement
dont elle fait partie, elle s’incline devant l’autorité du président de la
République, de qui émane toute légitimité. Bien mieux : dans la tribune,
publiée dans l’après-midi par Le Monde – tribune qu’elle cosigne avec
son collègue de l’Intérieur Bernard Cazeneuve -, elle affirme adhérer
pleinement au projet de loi renforçant la lutte contre la criminalité, projet
où elle voit même (et où elle est bien seule à voir) une avancée considérable
des libertés publiques. Conclusion édifiante des deux auteurs de ce
texte :
« Nous sommes main dans la main contre le
terrorisme. »
Jeudi soir.
Deuxième temps de la valse.
Alors qu’au
même moment le Premier ministre expose et justifie sur BFM TV ce que Le
Monde avait qualifié la veille de « mesures d’exception »,
Christiane Taubira, interviewée sur i>Télé, réitère son « hostilité »
et son « opposition » à la déchéance de la nationalité pour
les seuls binationaux, dont elle met en cause à juste titre l’efficacité, dont
elle fait remarquer avec raison qu’elle crée, entre Français de souche et
Français d’acquisition récente, une inégalité en sanctionnant différemment le
même crime suivant le statut de celui qui l’a commis, et dont elle rappelle
(c’est son affaire) qu’elle est incompatible avec ses valeurs et ses
convictions. Si les mots ont un sens – et Mme Taubira se vante assez de sa
maîtrise du français -, quand on parle d’hostilité, on ne fait qu’exprimer un
sentiment, quand on parle d’opposition, on entre en lutte contre ce à quoi on
s’oppose.
Mme Taubira bafoue la règle, vieille comme les gouvernements, de la
solidarité ministérielle. Elle adopte la position du démissionnaire.
Si elle ne
tire pas elle-même la conséquence de son attitude, il revient tout
naturellement au chef du gouvernement et au chef de l’État, ouvertement défiés,
de le faire pour elle et de lui signifier son exclusion de l’équipe dont elle
ne saurait plus faire partie.
Vendredi matin.
Troisième temps de la valse.
La
foudre de la déchéance ministérielle n’est pas tombée sur la dissidente.
Mme
Taubira, s’asseyant une fois de plus sur ses principes, n’a pas démissionné et
réaffirme avec audace sa « loyauté » au gouvernement dont elle
rejette, sur un point essentiel, la politique.
Il est donc acquis, en l’état,
qu’il reviendra, ès qualité, au ministre de la Justice et garde des Sceaux de
présenter et de défendre devant l’Assemblée et le Sénat un projet de révision
constitutionnelle et un projet de loi avec lesquels elle est notoirement et
publiquement en désaccord. Y a-t-il un précédent à une telle situation ?
Sur la scène politique, le théâtre de l’Élysée-Matignon présente son nouveau
spectacle de Guignol.
P.S. Non, toutes les civilisations, toutes les
cultures, toutes les coutumes ne se valent pas.
On ne peut mettre sur le même
pied, on ne peut considérer comme de même valeur, de même dignité, de même
avancement une civilisation qui repose sur le principe de l’égalité entre tous
les êtres humains et une « civilisation » où les femmes (la moitié de
l’humanité) sont moins bien traitées que les chiens.
L’histoire que met en
scène Lapidée tire sa force extraordinaire de sa sobriété et de son
authenticité. L’héroïne et la victime en est une malheureuse Néerlandaise qui,
amoureuse d’un camarade d’études, commet l’erreur fatale, après l’avoir épousé,
de venir vivre avec lui dans son Yémen natal.
Les choses et les gens, à
commencer par son seigneur et maître, n’y sont pas ce qu’elle avait cru.
Accusée, faussement, d’adultère, elle succombera au piège diabolique que lui a
tendu son mari, fort des lois et des mœurs locales.
Donné juste en face de
l’immeuble où furent assassinés il y a un an les journalistes de Charlie,
servi par des interprètes aussi convaincants que courageux, cette pièce
saisissante tire des circonstances et des lieux une résonance singulière.
À
voir absolument.
Lapidée, texte et
mise en scène de Jean Chollet-Naguel. Comédie Bastille, 5, rue Nicolas-Appert,
75010, Paris, 01.48.07.52.07
Dominique Jamet via Bld
Voltaire
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